Rédaction : Gaétane Saint-Cyr
Toile de la page couverture: Andrée Alexandre, aquarelliste Accompagnement littéraire : Jérémy Parent
Révision : Charles DuBois
Graphisme et mise en page : Alejandro Nathan
Dépôt légal : 2e trimestre 2024
Catalogage avant publication
Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada.
SAINT-CYR, Gaétane, 1956 ...
L’enfant et le béluga
ISBN-978-2-925414-29-2 (Imprimé) ISBN-978-2-925414-30-8 (PDF) ISBN-978-2-925414-31-5 (ePUB)
© Gaétane Saint-Cyr et Un Million de rêves Les éditions Un Million de rêves
336, rue Rivard
Magog (Québec) J1X 4W5
819 446-2961 www.unmilliondereves.com
Imprimé au Québec, Canada.
À Xavier et Maxime, mes fils, à Yuha, Maël et Flore, mes petits-enfants, et à tous les enfants de la Terre.
Y a toi et moi... et une planète qui meurt! Michel Rivard
J’ai eu la chance de grandir le long du Saint-Laurent et de dédier ma carrière à ce majestueux cours d’eau et aux espèces qui l’habitent, ou qui le visitent, comme les baleines.
Ce livre est bien plus qu’une simple histoire. C’est un voyage captivant à travers les océans, où les personnages se battent pour sauver leurs amis et protéger notre planète. En suivant les pas de Xavier, vous découvrirez la magie des océans.À travers les pages de cette histoire, vous serez transporté dans un monde où la nature est reine et où chaque être vivant occupe une place précieuse dans l’équilibre fragile de notre planète.
En suivant le périple de Xavier, vous découvrirez la sagesse du vent et la force de l’amitié. Vous y rencontrerez des baleines, ces ambassadrices majestueuses des mers, qui nous rappellent la nécessité de protéger et de respecter tous les habitants de notre planète, grands et petits.En parcourant ces lignes, je vous invite à vous laisser emporter par la poésie de la nature, à vous émerveiller devant sa splendeur et à vous engager à la protéger. Car c’est ensemble, en prenant soin de notre Terre et de tous ses trésors, que nous pourrons continuer à partager sa beauté avec les générations futures.
Que ce conte soit un hommage à la Terre et à tous ceux qui œuvrent chaque jour pour préserver sa magie et sa grandeur.Lyne G. Morissette, Ph.D. Conservation & Écologie des écosystèmes Éducatrice certifiée National Geographic
Je suis fière de concrétiser ce projet que je porte depuis de nombreuses années. Il se présente sous forme d’une œuvre de grandes beautés grâce à la généreuse contribution de personnes créatives; je leur en suis très reconnaissante !
Plusieurs artistes peintres que je côtoie depuis bien des années ont accepté de produire une œuvre ou plus illustrant une scène de leur choix tirée du conte, selon leur vision et leur style distinctif. Tout comme moi, ce sont des gens passionnés du fleuve et du Kamouraska. Vous avez la chance de découvrir leur interprétation personnelle, unique et étonnante au fil de mon récit. Je vous offre leurs coordonnées à la suite de l’histoire. La page couverture est une œuvre de l’aquarelliste Andrée Alexandre.
Ève Landry, comédienne talentueuse, native de Saint-Pascal, aussi passionnée du fleuve et du Kamouraska, est la narratrice de la version audio de mon conte. Ève s’est fait remarquer du grand public grâce à son rôle de Jeanne Biron dans Unité 9. Nos plus petits l’ont connue plutôt sous les apparences de Liliwatt, la sorcière qu’elle interprétait dans Salmigondis. Elle a aussi performé dans plusieurs séries télévisées et au théâtre. Pour avoir accès à l’enregistrement, veuillez visiter le site lenfantetlebeluga.com.
Docteure spécialiste en écologie des écosystèmes marins, Lyne Morissette a développé une passion pour l’écologie marine dès son plus jeune âge. Parcourant le globe pour poursuivre ses recherches, elle est activement impliquée au Canada mais rayonne aussi à l’international. Médaillée de l’Assemblée nationale du Québec pour sa contribution à l’avancement des sciences de la mer et récipiendaire du Prix Roland-Michener de la Fédération canadienne de la faune pour l’excellence de ses travaux en conservation, elle allie sciences et médias pour faire connaître les beautés de nos océans. En 2024, elle reçoit la Médaille du service méritoire pour ses actions à l’endroit de la protection de nos océans.
Il y a de cela très, très longtemps, sur la terre régnait le chaos général. Dans plusieurs pays, il y avait la guerre et la violence se cachait au cœur du monde. À l’aube de l’an 2000, c’était l’ère du Kali-Yuga, une époque de grand chaos à la fin de l’ère du Poisson. Cependant, une nouvelle civilisation se préparait.
Xavier, un petit homme de ce temps, était alors âgé de sept ans. À le regarder de l’extérieur, rien ne laissait deviner ce que l’enfant était vraiment. Sous son apparence de petit garçon comme tous les autres se cachait une grande conscience de sa participation à l’Univers. Très souvent, il embarquait, grâce à son imagination foisonnante, sur le grand fleuve s’écoulant devant sa fenêtre. Les peuples premiers l’avaient baptisé «Magtogoek», ce qui signifie «le chemin qui marche». Par ses pensées, Xavier se laissait longuement dériver sur cette route au long cours. Cet enfant était très lié à sa Mère la Terre. Il était souvent attentif au moindre caillou ou à la plus discrète bestiole.
Si jeune, Xavier connaissait déjà le secret pour entrer en communion avec les choses et les personnes qu’il rencontrait. Il émanait la joie et l’amour. Ses parents, très conscients de sa singularité, le surnommaient leur enfant-lumière. Souvent, il faisait entendre vigoureusement ses talents de jeune musicien sur les quelques instruments de son coffre à jouets. Il s’amusait à faire le tour des pièces de la maison en dansant et en riant candidement. Xavier adorait être avec ses amis pour s’adonner à des jeux actifs et ingénieux.
Ce jour-là, très tôt au départ d’une journée ensoleillée d’été, Xavier était occupé à jouer dans une petite mare d’eau sur la berge. Il n’était pas très loin de sa maison, dont la cour donnait sur une petite plage rocailleuse. Soudain, un couinement attira son attention. C’est avec grande surprise qu’il aperçut un gros animal blanc qui s’attardait dans l’eau du fleuve. Très intrigué, Xavier accourut vers le quai pour s’approcher le plus possible de cette bête qui lui était inconnue.
Xavier trépignait de joie à l’idée de cette rencontre inhabituelle. À son arrivée au bout du grand quai de béton, les hautes fréquences qu’émettait l’animal parvinrent à ses oreilles. Il était naturel pour Xavier de saisir le langage de plusieurs êtres de son environnement. Alors, il décoda un message rempli de tristesse. Le garçon s’empara de son petit xylophone qu’il apportait avec lui en tout temps. C’était fréquent pour lui de communiquer par cet instrument pour entrer en relation avec son milieu. Il joua donc quelques notes qui allèrent chatouiller le sonar du mammifère. C’était une baleine blanche nommée béluga. Les sons joyeux du xylophone se transformèrent magiquement en notes d’espérance pour l’animal. Celui-ci s’approcha vivement afin de raconter toute son aventure à l’enfant apparu de nulle part.
Kamouska se présenta avec grand espoir à cet enfant, car il allait prendre le large à tout jamais. Son découragement était au comble puisqu’il espérait en vain être entendu depuis des mois.
Kamouska était un jeune mammifère marin animé de la même énergie évolutive que Xavier. Cependant, Kamouska se sentait vraiment malheureux. Quelques années auparavant, alors qu’il avait très peu d’expérience en cette vie, il avait quitté témérairement son troupeau. Il voulait aller en amont du fleuve qu’il habitait. Si petit, il avait le trop grand rêve d’en découvrir sa source. Cette quête l’avait poussé à transgresser le règlement interdisant à tous les bélugas, jusqu’à leur septième année, de s’éloigner de la protection des adultes. Mais naïvement, il croyait qu’il pourrait, grâce à ce grand voyage, rapporter aux siens un ingrédient magique. Il souhaitait rencontrer, à la source du grand fleuve, des êtres qui lui révéleraient le secret permettant de sauvegarder son espèce et même de la faire croître rapidement. En ce temps-là, la population de bélugas avait, hélas, grandement diminué. Ces mammifères marins avaient été chassés par milliers par les hommes des décennies passées qui voulaient leur peau, leur huile et leurs os. Le carnage terminé depuis longtemps, on aurait dû voir le nombre de bélugas augmenter. Pourtant, non.
C’est ainsi que, chemin faisant au cœur du long fleuve, le jeune béluga avait fait la rencontre de trois grands tentacules qui l’accueillirent avec empressement et se présentèrent à lui. Se dandinant fièrement de-ci, de-là, ils lui demandèrent où allait seul un si jeune baleineau. S’approchant de très près, ils l’effleuraient en se glissant sans gêne tout autour de son corps. Ces créatures étaient plutôt envahissantes, mais Kamouska ne s’en inquiéta guère. Quelque chose lui disait que ces êtres particuliers sauraient où trouver l’ingrédient magique qu’il recherchait. Il accepta donc leur familiarité et les trouva même amicaux.
—Malheureusement, nous ne pouvons t’offrir maintenant ce que tu cherches, lui dirent-ils. Mais la Reine-Pieuvre, notre mère, saura assurément répondre à ton souhait.
Alors le jeune mammifère avait suivi les trois frères tentacules jusqu’à la source très lointaine de son grand fleuve. Ils s’appelaient Mercuriel, Bioxin et Pécébé.
Le royaume de la Reine-Pieuvre s’étendait sur un vaste territoire aquatique. Le petit béluga était soulagé d’avoir enfin atteint son but. Cependant, lorsqu’il fut face à l’énorme pieuvre, un soupçon d’inquiétude s’empara de lui. De quoi était donc composé ce liquide noir qu’elle déversait continuellement dans les eaux? Il allait lui poser la question lorsqu’elle s’adressa à lui la première:
—Kamouska, tu n’es qu’un très jeune béluga, que fais-tu si loin des tiens?
—Depuis que je suis né, j’entends dire que mon espèce est menacée. Qu’il faudrait augmenter les naissances et diminuer les décès. Que l’homme a un esprit destructeur.
Impatiente, elle rétorqua:
—Ne sais-tu donc pas que l’homme est maître, ici? Il est supérieur, tu l’apprendras, à tout ce qui est sur la terre.
Puis, se radoucissant, elle lui demanda:
—Mais d’où viens-tu? Que veux-tu donc? «Petit insolent!», se garda-t-elle de rajouter.
—Mon groupe vit à l’embouchure d’une grande rivière se jetant dans ce fleuve majestueux qui nous nourrit. Je recherche un ingrédient magique qui sauvera notre espèce de l’extinction.
—Tu as parfaitement raison de venir t’adresser à moi, s’empressa d’annoncer la Reine-Pieuvre. Je détiens le secret que tu cherches. J’ai huit garçons possédant un don. Mes fils-tentacules te suivront jusqu’en ton pays. Là-bas, ils pourront contribuer, par leurs pouvoirs, à augmenter la qualité de la nourriture et de l’environnement de tous ceux de ton espèce. Crois-moi, votre nombre croîtra rapidement.
En son cœur, un mélange d’incertitude et de grande joie envahissait Kamouska. Ainsi, il partit avec les huit frères pour le long voyage. Il les amenait chez les siens.
Au même moment, la Reine-Pieuvre s’adressa télépathiquement à ses fils: «Suivez bien ce jeune étourdi. Sans le paraître, ce juvénile est une menace pour nous. Allez envahir, plus loin encore et plus que jamais, toutes les espèces qui vivent au sein de ce grand cours d’eau. Désormais, parce que nous serons plus agissants sur les substances qui nourrissent ces baleines blanches, aucun petit ne pourra plus jamais voir le jour, et ce, jusqu’à ce que l’espèce s’éteigne.»
Ainsi il fut dit, ainsi il fut fait. Depuis ce temps, à cause de ces poisons tentaculaires, Kamouska se sentait très malheureux. Il était conscient que depuis l’année de sa fugue, les tentacules accaparaient avec hypocrisie les eaux de son fleuve magnifique. Kamouska avait saisi qu’ils y versaient de grandes quantités d’éléments incolores et inodores, passant inaperçus aux yeux de la majorité qui s’en nourrissait en toute confiance. Le jeune béluga était le seul à s’expliquer pourquoi les mères de son espèce rendaient rarement leur grossesse à terme. Tout au long de la saison chaude, on pouvait retrouver les corps de femelles gestantes ou de baleineaux naissants échoués sur la berge. Kamouska savait que les tentacules en étaient subtilement les grands responsables, mais les membres adultes de son troupeau refusaient d’entendre ses explications.
Alors pour cette raison, tous les jours, ce canari des mers avec son langage riche de sifflements, de claquements, de grincements et de clics allait exprimer son découragement près des quais et des bateaux. Malheureusement, les gens étaient trop occupés à leur quotidien pour être attentifs à son message de détresse. Lors de sa fugue, il avait évité plusieurs dangers. Les cargos, l’eau douce, les engins de pêche perdus auraient pu l’entraîner vers la mort. Lui qui avait tant espéré rapporter un ingrédient magique avait plutôt contribué sans le vouloir à empoisonner davantage les ressources de son fleuve. Maintenant, il recherchait des alliés pour trouver le moyen de sauver son espèce de la disparition.
Quel n’était pas l’espoir en ce jour, pour Kamouska, de pouvoir enfin raconter son récit au jeune garçon. Grâce à cet enfant particulier, il se sentait finalement entendu et compris. Quant à Xavier, il fut consterné d’apprendre que la vie des habitants de son fleuve adoré était sérieusement menacée.
Soudain, Xavier fut interpellé par la chaude voix de son papa qui lui lançait:
—Viens manger, mon chéri!Le bambin, affamé, quitta à regret son nouvel ami après lui avoir promis de chercher comment il pourrait l’aider à solutionner cette situation dramatique. Ils s’entendirent pour se retrouver au même endroit, tôt un matin de la semaine suivante.
L’enfant, dont le petit bedon criait famine, retourna vivement à la maison. Il était excité de raconter ce tête-à-tête surprenant à ses parents. Il espérait bien que ceux-ci l’aideraient à comprendre et à résoudre le mystère qui régnait chez les habitants de son précieux fleuve.
Les parents de Xavier étaient bien occupés ce midi-là. Ils finalisaient tous les préparatifs pour partir quelques jours en camping. Le garçon essaya à quelques reprises de leur raconter sa rencontre inusitée. Malheureusement, les adultes n’étaient visiblement pas disposés à l’écouter. Alors qu’il roulait en voiture avec ses parents et sa petite sœur de trois ans, Xavier tenta bien de raconter sa découverte. Mais ce fut encore une fois peine perdue. La turbulente Maxine trouvait la route longue et ses parents s’évertuaient tour à tour à la distraire.
Lorsque la famille fut enfin installée, Xavier oublia un peu son aventure inédite car il découvrait là un site enchanteur. Des arbres matures et bien d’autres éléments naturels occupaient en abondance le boisé entourant le bivouac. Après la cacophonie assommante éprouvée durant le déplacement en voiture, le garçonnet désira un moment de solitude apaisante. Muni de son xylophone, il alla marcher dans le sous-bois tout en prenant le temps, tout son temps, pour observer en détail les merveilles qui jalonnaient son parcours.
Ses parents lui avaient permis de se rendre jusqu’au petit ruisseau aperçu sur la carte localisant leur campement. Cette première escapade en autonomie serait adaptée à leur petit homme. Xavier se sentait comme un grand explorateur. Vivre la grande aventure avec une simple intention; être attentif aux révélations souvent surprenantes et toujours captivantes de la forêt. S’arrêter, s’accroupir, sentir, observer, apprécier, rendre grâce à cette abondante beauté et s’en imprégner.
À un moment, le récit du béluga ressurgit à l’esprit de l’enfant. Ses sentiments s’assombrirent. Une pensée s’imposa: «Comment aider Kamouska et les siens?» Au même instant, un corbeau le fit sursauter. Contre toute attente, il s’abattit sur lui à grands coups d’ailes. Il frôla l’enfant sidéré, qui en laissa tomber son précieux xylophone. L’oiseau s’éloigna en lançant un croassement tellement strident; c’était à glacer le sang. Aussitôt, Xavier soupçonna fortement que la Reine-Pieuvre pouvait l’épier sous différentes formes, maintenant qu’il se portait solidaire de la quête de Kamouska. Lorsqu’enfin le gros corbeau disparut, Xavier ressentit une forte contraction dans sa poitrine. Il reconnut la peur.
Les parents de Xavier lui avaient appris à écouter la peur lorsqu’elle se pointait. Il savait qu’il lui fallait évaluer s’il y avait un réel danger. Comme il avait soif, il décida de se rendre jusqu’au petit ruisseau avant de rebrousser chemin. Il ne devait plus être très loin, maintenant. Tout en restant vigilant, avec son xylophone bien serré contre lui, il avança sur le joli sentier, se laissant à nouveau absorber par ce décor enchanteur. Il entendit d’abord le doux gazouillis de l’eau. Ensuite une odeur vint complètement dissoudre sa peur. C’était celle qui remplissait sa maison chaque année à Noël, car le ruisseau était bordé de sapins. Une brise agitait doucement leurs branches et en exaltait ce parfum si évocateur. C’est alors qu’il se sentit interpelé par le vent.
—Sois prudent, petit homme. Malheureusement, maintenant que la ReinePieuvre t’a retrouvé, tu devras rester vigilant en tout temps. Et sache que tu ne peux t’abreuver à cette eau qui semble limpide et désaltérante.
—Oh! Et pourquoi donc?
—La méchante ne répand pas le malheur seulement dans les eaux de ton fleuve adoré. Elle le fait aussi sur le sol et dans les airs. Et plus encore, elle arrive même à agir dans la conscience de l’espèce humaine. Elle se cache au plus profond du cœur des gens et les appâte dans l’ombre. Malheureusement, elle sait le faire si discrètement que trop peu d’humains en prennent conscience. Mais je ne t’en dis pas plus pour le moment. Retourne rejoindre ta famille et profite bien de cette agréable sortie avec ceux que tu aimes. Je te promets de revenir très bientôt.
Xavier, toujours assoiffé, écouta à regret les recommandations du vent. De retour auprès de ses parents et de sa petite sœur espiègle, le garçonnet fut invité à participer à l’élaboration du pique-nique qu’ils iraient déguster tous ensemble sur la berge du lac situé à quelques mètres de là. Près de l’eau, le papa et la maman appliquèrent de la lotion solaire sur la peau des enfants, qui n’ appréciaient jamais cette obligation. Et les parents de leur répéter pour la énième fois:
—À présent, la Terre n’est plus protégée contre certains rayons nocifs du soleil. Nous devons nous prémunir contre les coups de soleil.
Chaque fois, Xavier ressentait une vive déception. Pourtant, il adorait cette grosse boule de feu qui lui offrait chaleur et lumière.
— C’ est sûrement encore un méfait de la Reine-Pieuvre et de ses tentacules, déclara-t-il avec conviction, à la surprise de ses parents y cherchant un sens.
Xavier profita de ce moment pour enfin leur raconter sa rencontre avec le béluga. Il relata toute l’aventure que son nouveau camarade avait vécue quelques années auparavant. Maintenant, il se demandait comment aider tous ces êtres qui vivaient dans le fleuve. Il se sentait impuissant et si triste pour son ami. Pour la suite des choses, que manigançait cette Reine-Pieuvre avec ses fils-tentacules?
Son papa et sa maman échangèrent des regards complices. Ils considéraient que Xavier avait un imaginaire débordant. Plus tard, ils en discuteraient ensemble, mais pour le moment, ils s’empressèrent d’envelopper leur petit garçon de leurs bras protecteurs et apaisants.
—Sois confiant, lui suggérèrent-ils. Avec de la patience, tu trouveras la réponse à ton inquiétude. Peut-être que tu es encore trop jeune pour une si grande mission.
Xavier sentit avec regret que ses parents ne comprenaient pas vraiment l’urgence de cette situation. Il leur demanda la permission d’aller patauger dans l’eau. Mais ce jour-là, une affiche indiquait que la baignade était interdite à cause du niveau élevé d’algues bleu-vert. Un autre phénomène qui requérait une explication d’adulte. Heureusement, les parents avaient prévu apporter un cerf-volant et divers jeux pour amuser les enfants hors de l’eau.
À la fin de cette journée bien remplie, les enfants ne se firent pas prier pour aller au lit. Le jeune garçon tomba immédiatement dans un sommeil profond. Il se réveilla un peu plus tard en sursaut. Il avait rêvé. Un rêve tumultueux.
Xavier cherchait à rejoindre son ami Kamouska, qui s’enfonçait trop profondément sous l’eau et qui n’arrivait plus à reprendre son souffle.
Maintenant bien éveillé, il ressentait l’inquiétude de son rêve, et l’urgence d’agir l’empêchait de se rendormir. Sans faire de bruit, il se glissa tout doucement en dehors de la tente-roulotte.
À quelques pas du campement, un bruit répétitif attira son attention. Le bleu foncé de la nuit avait embrassé la forêt depuis quelques heures déjà. Entre la cime des arbres, des faisceaux de lumière provenant de la lune ronde et brillante venaient allumer l’obscurité. On eût dit que cet astre avait été convié à une rencontre très spéciale.
Xavier leva la tête et aperçut, à quelques branches au-dessus de lui, un gros oiseau blanc au regard fixe. Le jeune garçon fut émerveillé de reconnaître un harfang des neiges. Le bel oiseau se rapprocha doucement de lui. L’enfant fut en mesure d’admirer l’envergure de ses longues ailes luisant au clair de lune. La créature majestueuse les replia avec soin. L’oiseau resta immobile, calme et silencieux. Alors, Xavier comprit que cette rencontre n’était pas fortuite. Avec le vent, il découvrait un autre allié qui l’aiderait dans sa quête.
Il exposa au harfang toute l’aventure que lui avait racontée le jeune béluga. La transgression du règlement interdisant aux baleineaux de s’éloigner du groupe, sa rencontre avec les tentacules hypocrites et ensuite la conversation avec la diabolique Reine-Pieuvre. Il relata aussi comment son ami Kamouska s’était laissé trahir par cette dernière en acceptant d’être raccompagné par ses huit fils-tentacules, lesquels s’affairaient depuis à annuler le processus de reproduction de son espèce. L’oiseau demeura très attentif tout au long du récit, car il savait que ce qui se passait dans les eaux était à l’image de ce qui se vivait tout autour de la planète.
Le harfang des neiges entreprit d’expliquer à l’enfant que la Reine-Pieuvre s’était immiscée depuis fort longtemps au cœur même de tous les humains. Enfouie profondément en eux, elle agissait si subtilement que personne ne soupçonnait son emprise et sa forte influence dans la vie de tous et toutes. Elle s’exprimait à travers eux par la peur du manque, l’envie, la jalousie et l’avidité de posséder toujours plus. Pour leur profit personnel, certains individus étaient poussés à posséder toujours plus de richesses et de plus grands territoires afin de soutirer tout ce que la terre offrait abondamment et généreusement à tous les êtres vivants.
—Je suis venu te voir à la demande du vent. Ensemble, nous tenons à te soutenir dans ta quête. Tes parents ont reconnu depuis fort longtemps tes attributs d’enfant-lumière. Le vent et moi t’aiderons à raviver toute cette énergie vitale qui cherche à s’exprimer à travers toi. La Terre a grandement besoin de cette puissance encore endormie.
Le lendemain matin à son réveil, Xavier s’empressa de raconter sa discussion nocturne avec le harfang des neiges. Bien sûr, ses parents considérèrent qu’il s’agissait d’un rêve.
Xavier, empli d’une riche énergie matinale, avala son déjeuner rapidement et avisa ses parents qu’il partait en direction du petit ruisseau. Sans oublier son xylophone, car son intention était d’interpeler le vent en lui interprétant quelques notes joyeuses.
Chemin faisant, le garçon fut attiré par la beauté des nuages. Les gros cumulus dressés dans l’azur faisaient penser à une grande montagne. Le ciel d’un bleu intense les rendait encore plus blancs. Puis il songea à nouveau à Kamouska et à sa lutte solitaire et désespérée contre la puissante ReinePieuvre. C’est à cet instant précis qu’un écrasant nuage, d’un noir soutenu, se forma au-dessus de sa tête. Il lui sembla monstrueux. Aussitôt, de gros grêlons s’abattirent sur lui. Cette grêle fouettait brutalement son visage et ses bras.
—Encore une horreur de cette pieuvre méchante et cruelle! pensa-t-il.
Par réflexe, Xavier leva son xylophone au-dessus de sa tête pour se protéger. La grêle qui frappait chaque touche de l’instrument provoqua une symphonie macabre. Autour de lui, la forêt était devenue sombre et inquiétante. Xavier pleurait. Cette fois, c’en était trop, il se sentit perdu.
Mais soudain, comme par enchantement, la musique terrifiante se transforma en une agréable mélodie. Alors, la grêle devint une petite pluie douce et joyeuse.
—C’est mon xylophone! s’écria Xavier. Ses notes magiques ont transformé la pluie!
Alors le nuage obscur s’évapora instantanément. Xavier, triomphant et envahi par l’espoir, envoya cette pensée à son ami le béluga:
—Nous gagnerons, Kamouska, nous gagnerons! Nous sauverons notre fleuve et notre planète!
À ce moment, le vent fit frémir le feuillage autour de lui.—Tu as vu ça, le vent? La Reine-Pieuvre peut bien aller se rhabiller, maintenant !
—Attention, petit homme! Un excès de confiance t’empêchera de voir clair. Au contraire, une prudence lucide t’amènera à rester vigilant.
—Tu as raison, le vent! Je comprends bien ton message. Mon papa, ma maman et moi jouons souvent à pile ou face et ça m’amuse beaucoup. J’ai compris que je peux toujours décider de choisir le meilleur côté si je reste attentif à ce qui se passe en moi.—Oui, petit homme! La Reine-Pieuvre guide souvent les humains dans leurs choix d’actions malveillantes, rajouta le vent. Elle s’amuse à entretenir la croyance qu’il faut accumuler toujours plus de biens et de pouvoir pour assurer sa survie. Le harfang t’en a avisé.
—Oui, voilà ma quête, le vent! Je me sens prêt à m’investir dans une très grande mission. Je combattrai l’influence dévastatrice de la sorcière. Les humains se trompent à propos de la manière de trouver le bonheur. Je trouverai bien une façon de les libérer de ces fausses croyances que leur inspire à leur insu cet être redoutable. J’arriverai bien à écraser cette pieuvre dangereuse. Seras-tu toujours là pour me guider?
—Encore une fois, attention, petit homme! L’enfant-lumière que tu es doit garder en tête que ce n’est pas par la haine que tu pourras faire cesser les méfaits de la Reine-Pieuvre. Ta colère est justifiée et elle pourra te servir à mobiliser toutes tes ressources pour détrôner la méchante. Mais rappelle-toi toujours que ce qui est immuable dans la vie, c’est la force de l’Amour.
Le vent avait transmis à l’enfant des leçons de grande sagesse. Xavier, apaisé, s’assit tout près du ruisseau sur une grande pierre plate réchauffée par le soleil. Le vent resta présent en enveloppant le garçon d’une douce brise. Soudain, quelle ne fut pas la surprise de Xavier de voir les arbres tout autour osciller magiquement, comme s’il percevait leur énergie fondamentale. Ce mouvement se propagea à tout ce qui l’entourait. Ce qui était au sol, l’eau qui s’écoulait dans le ruisseau et, finalement, lui-même, se mirent à vibrer à une fréquence identique. Il se sentit en union profonde avec tout. L’enfant se permit un arrêt du temps pour savourer ce moment grandiose. Il comprit que ce nouveau pouvoir fabuleux lui était transmis par ses alliés, le vent et le harfang des neiges.
En quelques minutes, cet état bien particulier le transporta en pensée au large du grand fleuve. Xavier se sentait lié à Kamouska. Dès leur premier contact, le garçon avait réalisé que chacun d’eux voulait participer à rendre au monde l’équilibre perdu. Tous les deux ressentaient l’état d’âme de la planète. Kamouska et lui n’étaient pas seulement en harmonie avec la nature, mais ils se savaient de la nature. Pour protéger la Terre, ils sentaient que l’on se devait de contribuer, même pour une petite part, à prendre soin de la vie animale, de la vie végétale et du règne minéral de façon consciente. Grâce à son intuition et à sa détermination, à sa mesure, tout comme les maillons d’une chaîne, si petits soient-ils, Xavier était convaincu que tout était possible. Il sentait une immense force tranquille l’habiter grâce à sa rencontre avec le harfang et le vent.
Pendant ce temps, la Reine-Pieuvre sentait qu’ensemble, l’enfant et le béluga amplifiaient dangereusement leur force. Xavier avait réussi à esquiver sa dernière attaque et elle s’en trouvait humiliée! Elle devait organiser rapidement sa vengeance.
—Non! Non! Non! clama-t-elle, des profondeurs de son royaume. Mon pouvoir de reine est compromis, mais je ne suis pas vaincue. Mon contrôle suprême continuera à dominer tout ce qui vit dans mon empire!
En se disant cela, elle sentit ses forces rejaillir.
De retour à la maison, Xavier était impatient de revoir Kamouska. Toutefois, durant la nuit, il fit un rêve très perturbant.
Kamouska est seul. Il ressent de l’inquiétude. La baleine blanche a rendez-vous avec son ami Xavier près de son village, aux abords de la berge. Ensemble, ils ont prévu aller rejoindre le groupe d’adultes mâles chez les bélugas. Ils y annonceront que la fréquence des morts et des naissances se rééquilibrera enfin. Les mères pourront très bientôt recouvrer leur pouvoir d’enfantement. D’autres ne seront plus atteints par un mal insaisissable.
En se rendant vers la berge, cette sensation étrange qui avait soudainement préoccupé Kamouska l’inquiète davantage. Il regarde tout autour. Rien. Par contre, les eaux du fleuve frémissent de façon inhabituelle. Peu de minutes s’écoulent quand, presque imperceptiblement, quelque chose se glisse derrière lui. Il se retourne et aperçoit les fils de la Reine-Pieuvre. À quelques mètres de lui, les grands tentacules cornus, au regard maléfique, se tiennent droits et menaçants. Kamouska comprend vite qu’ils sont là pour venger leur mère. Il sait que sa seule chance d’échapper à cette menace est de nager rapidement pour rejoindre Xavier, mieux équipé que lui pour combattre.
Dans son rêve, Xavier avait ressenti très vivement la détresse de son ami. Maintenant bien éveillé dans son lit, l’angoisse le tenaillait. Et si la Reine-Pieuvre avait réellement commis un geste grave? Alors dès les premières lueurs du jour, sans perdre de temps, il attrapa son xylophone, puis se dirigea vers le fleuve. Quand il fut sur le rivage, il laissa dériver son esprit à la recherche du béluga. Encore plus inquiet et anxieux, suivant son instinct, le jeune garçon décida qu’il devait courir vers l’est sur la berge. Son attention fut soudainement attirée par un attroupement de plusieurs personnes. Ces gens semblaient observer quelque chose d’inaccoutumé. Xavier s’approcha doucement et se mit à pleurer. Il venait d’apercevoir, au centre du cercle formé par les curieux, le corps de Kamouska. Il n’avait pu arriver à temps. Le garçon se fraya un chemin parmi les observateurs. Spontanément, les gens dégageaient un passage pour lui. Lorsqu’il fut aux côtés de son ami, Xavier s’accroupit, pressa ses mains sur la chair encore chaude et y appuya son front. Il resta ainsi plusieurs minutes. Autour, on avait fait silence.
Soudain, après avoir joué quelques notes douces et harmonieuses sur son xylophone, le petit garçon se releva et partit comme il était venu. Une fois de plus, on annoncerait dans les médias qu’un jeune béluga avait été retrouvé échoué sur la rive et qu’une nécropsie ferait peut-être connaître la cause suspecte de ce décès supplémentaire. Xavier, lui, avait compris que la bataille n’était pas gagnée. D’ailleurs, un ricanement odieux émis par un corbeau s’éloignant de la scène dramatique n’avait pas échappé à son attention.
Il alla pleurer dans sa chambre, sans en sortir de toute la journée. Il y était encore enfermé lorsque apparurent les premiers signes du crépuscule. Accoudé à la fenêtre, il se tenait immobile, comme perdu dans le néant. C’était sa façon de traverser cette peine sans mesure. À tour de rôle, sa maman et son papa étaient venus lui porter le repas du midi ainsi que celui du soir. Xavier n’avait encore rien mangé. Ses parents avaient compris tous les deux que quelque chose de grave se passait dans la vie de leur bambin et ils attendaient le moment où Xavier serait disponible pour en parler. Ils gardaient confiance en sa force intérieure.
À la fin de la soirée, ses parents entrèrent tous les deux dans sa chambre. C’était l’heure d’aller au lit. Xavier se retourna. Il marmonna avec un regard mouillé et profond: «Mon ami est mort. C’est la faute des Hommes. On ne se préoccupe pas assez de la Terre. D’ailleurs, elle aussi va bientôt mourir, comme Kamouska.» Puis il se laissa tendrement étreindre par son père et sa mère. Se sentant ainsi réconforté, il trouva enfin le sommeil. Ses parents le regardèrent longuement avant de quitter la chambre.
Au beau milieu de la nuit, réveillé soudainement par des lueurs inhabituelles, Xavier écarquilla les yeux. Le ciel, qu’il pouvait apercevoir de son lit, semblait faire la fête. Chaque seconde, des aurores boréales aux couleurs irisées dansaient et se transformaient en magnifiques aquarelles. Soudain, l’une d’elles prit la forme d’une petite baleine blanche. Xavier bondit à sa fenêtre. Le béluga avait déjà disparu. Le garçon ferma les yeux et entendit un doux murmure dans sa tête. Il reconnut le langage de Kamouska. Des sifflements et des claquements sereins et réconfortants lui livrèrent un message exaltant.
—Cesse de me pleurer, mon ami! Ce qui arrive doit arriver! Sois confiant! Je sais que nous allons gagner! La Reine-Pieuvre et ses huit fils seront décimés si tu fais ce que je te demande. Dès maintenant, l’énergie lumineuse des aurores boréales que je te transmets te donne le pouvoir de voyager sous les eaux par ta pensée. Va à la rencontre des adultes du conseil de mon troupeau et raconte-leur toute mon histoire. Par ma mort, ils comprendront alors qu’ils ne doivent plus tolérer la présence des tentacules toxiques. Pécébé, Mercuriel, Bioxin et leurs cinq autres frères seront repoussés. Lorsque cela sera fait, tu seras guidé afin de débusquer la redoutable reine. Tu sentiras alors toute la puissance nécessaire pour la transmuter en une force favorable. Retourne te reposer, maintenant. Au petit matin, tu te rappelleras que je suis toujours avec toi.
Dès leur réveil, les parents de Xavier entrèrent dans sa chambre pour lui offrir une fois de plus l’appui dont il aurait besoin. Par la fenêtre, ils l’aperçurent déjà installé sur la berge comme un petit «Penseur» de Rodin, le ressac des vagues lui caressant les pieds.
Au même moment, Xavier suivait les directives de Kamouska. Par sa nouvelle faculté, il aborda au large du fleuve un vieux béluga à l’air très sage.
—Kamouska est mort, lui annonça-t-il, j’aimerais rencontrer le conseil.
Le vieil animal plissa les yeux. Il hésita quelque peu avant d’obtempérer finalement à cette requête si inusitée.
—Cet enfant veut nous parler à tous, transmit-il ensuite aux membres du conseil réunis.
Après quelques secondes d’arrêt, il ajouta enfin: —Il prétend que Kamouska est mort.
On entendit les autres exprimer leur désarroi.
—C’est la vérité, fit Xavier. Hier matin, le corps de Kamouska gisait sur le rivage tout près de mon village.Le garçon entreprit de raconter, avec tous les détails, l’épopée de Kamouska à partir de la transgression du règlement du troupeau interdisant aux jeunes bélugas de s’éloigner. Xavier ne put s’empêcher d’évoquer à quel point il avait été secoué par la grande tristesse de Kamouska lorsqu’ils s’étaient rencontrés tous les deux. Il expliqua aux adultes l’intention qui poussa son jeune ami à déserter et il relata les rencontres que ce jeune veau, échappé de son groupe, fit à la source du fleuve, puis aussi comment on l’avait berné. Xavier leur expliqua les désastres provoqués par la Reine-Pieuvre et ses tentacules toxiques partout autour de la planète. Kamouska avait tenté plus d’une fois d’en convaincre les membres du conseil depuis son retour dans le troupeau, mais jamais on n’avait voulu l’entendre. La méchante et ses fils faisaient la promesse aux habitants du fleuve de mieux les nourrir. En réalité, ils les attiraient subtilement vers l’élimination certaine de leur espèce.
En entendant ces dernières paroles, certains membres du conseil décidèrent de s’avancer pour exprimer ouvertement leur scepticisme. Au même moment, Mercuriel et Pécébé, qui avaient saisi tout le récit de Xavier, s’avancèrent avec confiance grâce aux doutes qui venaient d’être exprimés.
—Attention! Tout ça n’est que supercherie! dit Mercuriel, en se glissant effrontément devant l’assemblée. Écoutez votre sagesse; ne vous laissez pas berner par la parole de ce petit homme. N’oubliez surtout pas que ce sont les êtres de son espèce qui ont massacré des milliers de bélugas au siècle dernier!
—C’est plutôt en la Reine-Pieuvre que vous devez avoir confiance, fit Pécébé, car jamais elle ne trahirait sa parole. Un jour, nous-mêmes, ses fils, avions promis de vous offrir toute la nourriture et le meilleur environnement dont vous auriez besoin. Alors vous devez encore compter sur nous. Ce que raconte ce petit humain n’est qu’un tissu de mensonges propre à son espèce.
—Quelle preuve a-t-il pour assurer la véracité de ses propos? ajouta Mercuriel sur un ton méprisant.
Cette dernière phrase eut l’assentiment de l’assemblée, qui se mit à vociférer contre Xavier. Le vieux sage s’avança alors pour faire taire tous ces adultes belliqueux et il demanda ensuite à Xavier s’il avait cette preuve qu’on lui réclamait. Le garçon réfléchit un instant, puis il prit la parole. Avec ses mots d’enfant, il livra un message qui voulait dire ceci:
—Dès l’instant où j’ai entendu Kamouska, je me suis senti lié à lui et à son combat. J’ai compris que tous les deux, nous ressentions l’Amour le plus pur et le plus profond qu’il est donné de penser pour notre Mère la Terre. Tous les deux, nous éprouvions sa détresse et son cri d’alarme. Alors, j’ai recherché des alliés pour soutenir notre quête.
Xavier invita ensuite les membres du conseil à monter à la surface du fleuve. Comme le garçon l’avait espéré, ses deux alliés étaient là, prêts à l’appuyer pour valider ses révélations. À la grande surprise des bélugas, le vent se mit à leur souffler des impressions très claires. Avec ce langage bien surpre- nant, tous furent mis au courant des nombreux obstacles qu’avait surmontés Kamouska, qui n’écoutait que son désir de sauver le grand fleuve.
À un moment du récit, on vit poindre dans le ciel un grand oiseau blanc majestueux. Le harfang des neiges vint confirmer tous les propos du petit homme. Il informa les bélugas que les méfaits répandus dans les eaux par la Reine-Pieuvre se déployaient tout autant sur terre et dans les airs. Kamouska avait donc sacrifié sa vie pour son fougueux désir de prendre soin de la planète.
Du même coup, les adultes du conseil le placèrent sur un piédestal dont il ne redescendrait pas de sitôt. Les bélugas admiraient au surplus le courage de Xavier. Ils regrettaient amèrement la mort de Kamouska. Ils comprenaient que pour lui rendre justice, ils devaient dorénavant refuser la nourriture que leur fournissaient les tentacules hypocrites, et ils saisissaient l’urgence de les chasser à jamais de leur territoire. De toute façon, ces traîtres avaient déjà disparu.
Sans perdre de temps, Xavier partit bravement à la recherche des tentacules, sachant qu’avec eux il retrouverait la Reine-Pieuvre. Il sentait une très grande force l’animer. Tout son être s’illuminait. Toutes ses cellules vibraient à très haute fréquence. Il reconnut encore plus son lien direct avec tout l’Univers et il se sentit immensément grand. Au même moment, il se retrouva encerclé par les tentacules de la méchante pieuvre. Ceux-là étaient prêts à attaquer au moindre commandement de leur mère, qui toisait le garçon effrontément. Xavier soutenait son regard. Sans lui laisser aucune chance, il s’adressa à la Reine-Pieuvre avec le ton du vainqueur:
—Regarde mes yeux! Ce sont ceux de ma Mère la Terre. Et maintenant, écoute ma parole, car elle est aussi la sienne. Tout en toi n’a jamais été que destruction. Il n’y a plus de place ici pour toi. Tu as déjà fait beaucoup trop de mal. Disparais!!
Alors Xavier, avec toute sa pureté et sa splendeur, dévisagea la mégère. La vérité lui apparut comme une évidence. Ce personnage rusé était habité par une profonde peur. La peur de ne plus exister. Le regard de l’enfant se fit davantage perçant et pressant. La Reine-Pieuvre sentit une lame d’énergie la transpercer. C’était une énergie d’Amour immensément forte et puissante. C’est alors que la pieuvre, avec ses tentacules, se volatilisa. Ses trois cœurs de pierre se transmutèrent en trois cristaux purs et limpides de grand éclat. Xavier ressentit une certitude exaltante. À partir de maintenant, ces pierres vertueuses diffuseraient, désormais et pour toujours, la fréquence bienfaisante et salutaire de l’Amour véritable tout autour de la planète et par tout l’Univers.
Toujours assis sur la berge du fleuve, revenu en son moment présent, Xavier pensa que la vie était belle. Il ferma les yeux et fit le vœu de rejoindre chaque garçon et fille de la planète pour leur transmettre un message éloquent.
—Tu es le fruit de la Terre; tu la sers et elle te sert. Tu es un élément vibrant de la vie. Ta conscience est universelle; tu le sens quand tu habites pleinement ton présent. Tu fais partie d’un tout. La nature, toi, ta conscience ne faites qu’un avec la lumière divine. Tu es venu au monde pour propager la bienveillance et la gratitude.
Comme son père et sa mère lui touchaient l’épaule, Xavier leur lança un regard éblouissant. C’est avec un sourire rempli d’enthousiasme qu’il leur raconta toute son aventure. Aussitôt son discours terminé, il attrapa son xylophone et, à la course, le cœur joyeux, il partit rejoindre ses amis.
Durant sa longue vie, Xavier continua d’honorer sa prodigieuse mission initiée grâce à son ami Kamouska et à ses alliés, le vent et le harfang. Il prit grand soin de la Terre en diffusant par monts et par vaux, tel un virus hautement contagieux, l’Amour véritable, celui qui aime sans attente et sans jugements, permettant ainsi aux humains de retrouver l’équilibre perdu. C’est dans cet esprit que Xavier s’unit pour la vie avec l’amoureuse rêvée et ensemble, ils furent heureux. Ils engendrèrent une fabuleuse descendance mue aussi par le grand pouvoir de l‘Amour. On était à l’aube de l’ère du Verseau.
Grâce à la conscience divine qui se répandit immuablement au cœur du monde naquit notre civilisation d’aujourd’hui: l’Homme cosmique. Parce que les humains trouvèrent enfin leur équilibre, la planète aussi retrouva tout naturellement le sien.
La chanson qu’un poète de l’époque chantait avec espoir était maintenant devenue une réalité quotidienne de tous les êtres vivant sur notre paisible planète bleue: «Quand les hommes vivront d’amour, il n’y aura plus de misère...»
Merci à tous ces artistes peintres qui font de cette publication une œuvre de grandes beautés !
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Andrée Alexandre Page couverture page 67 www.aalexandreartiste.com aalexandre2@hotmail.com Andrée Alexandre aquarelliste
Murielle Lévesque Pages 13, 29, 40, 50 www.muriellelevesque.com murielle.levesque@hotmail.com Murielle Lévesque, artiste peintre
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Crédit photo : Christian Thériault photographe